CEDH et absence d'indépendance des membres du ministère public


CEDH, Moulin c. FRANCE, 23 novembre 2010 n°37104/06

Une avocate a été arrêtée sur commission rogatoire délivrée par deux juges d'instruction dans le cadre d'une procédure suivie principalement pour trafic de stupéfiants et blanchiment des produits de ce trafic. Placée en garde à vue, elle fût d'abord présentée au procureur de la République adjoint puis, après cinq jours de détention aux juges d'instruction.

La requérante considère que, détenue durant cinq jours avant d’être présentée à « un juge ou un autre magistrat habilité par la loi à exercer des fonctions judiciaires », elle n’a pas été « aussitôt traduite » devant une telle autorité. Elle considère que ni sa présentation au procureur adjoint ni la procédure de perquisition en présence d’un magistrat du siège n’est assimilable à une comparution devant un magistrat.

S’agissant de la procédure de perquisition, la Cour note qu’à cette occasion, elle a rencontré les juges d’instruction chargés du dossier mais que ces derniers se sont strictement contentés de procéder aux opérations de perquisition et de saisies, à l’exclusion de toute autre mesure, en particulier l’audition de la requérante et l’examen de la légalité de sa détention.

S’agissant des garanties d’indépendance du procureur adjoint au sens de l’article 5§3 de la Convention, la Cour indique à titre liminaire qu’elle n’ignore pas que le lien de dépendance effective entre le ministre de la Justice et le ministère public fait l’objet d’un débat en France. Cependant, elle rappelle qu’il ne lui appartient pas de prendre position dans ce débat et qu’elle statue sous le seul angle des dispositions de l’article 5§3 de la Convention.

A l’aune de cette disposition, elle considère, d’une part, qu’en raison de leur statut, les membres du ministère public, en France, ne remplissent pas l’exigence d’indépendance à l’égard de l’exécutif. D’autre part, elle relève que la loi confie l’exercice de l’action publique au ministère public. Elle rappelle que les garanties d’indépendance à l’égard de l’exécutif et des parties excluent notamment qu’il puisse agir par la suite contre le requérant dans la procédure pénale.

Ainsi, elle conclut à l’unanimité que le procureur adjoint, membre du ministère public, ne remplissait pas, au regard de l’article 5§3 de la Convention, les garanties d’indépendance exigées pour être qualifié, au sens de cet article, « de juge (…) ou autre magistrat ».

La Cour s’était déjà prononcé, dans un premier arrêt de chambre Medvedyev c. France (CEDH, 10 juillet 2008, n° 3394/03) où elle avait considéré que le parquet français n’était pas « une autorité judiciaire ». La question avait été par la suite largement éludée par la Grande chambre (CEDH, 29 mars 2010, Medvedyev, n°3394/03), qui s'était bornée à constater que le prévenu avait bien été présenté à un juge d'instruction.

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