Harcèlement moral dans la fonction publique


Un arrêt du 11 juillet 2011 du Conseil d'Etat est venu sensiblement modifier l'équilibre des forces en présence en matière de harcèlement moral.

La charge de la preuve en matière de harcèlement moral dans la fonction publique

Dans cet arrêt du 11 juillet 2011, la section du contentieux du Conseil d'Etat détermine dans quelle mesure, lorsqu'il est confronté à des agissements susceptibles d'être qualifiés de harcèlement moral, le juge administratif doit prendre en compte le comportement éventuellement fautif de la victime.

En l'espèce, la cour administrative d'appel de Nantes avait reconnu qu'une employée municipale était victime de harcèlement moral. La cour avait cependant relevé que le comportement de l'intéressée, caractérisé par une agressivité chronique et des insubordinations répétées, avait largement contribué à la dégradation de ses conditions de travail et était de nature à exonérer totalement la commune de sa responsabilité.

Le Conseil d'Etat rappelle tout d'abord les règles de charge de la preuve en matière de harcèlement moral.

La haute assemblée juge « qu'il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement ; qu'il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile ».

Le Conseil d'Etat admet ensuite que, « pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral ». Mais il censure l'analyse du juge d'appel qui a fait de la faute de la victime une cause exonératoire de responsabilité. La haute assemblée précise en effet que « la nature même des agissements en cause exclut, lorsque l'existence d'un harcèlement moral est établie, qu'il puisse être tenu compte du comportement de l'agent qui en a été victime pour atténuer les conséquences dommageables qui en ont résulté pour lui ; que le préjudice résultant de ces agissements pour l'agent victime doit alors être intégralement réparé ». Le comportement de la victime doit donc être pris en compte en amont de la qualification de harcèlement moral et le juge d'appel a commis une erreur de droit en jugeant « qu'en raison de son comportement, l'intéressée avait largement contribué à la dégradation des conditions de travail dont elle se plaint et que ce comportement était de nature à exonérer la commune de sa responsabilité ».

Réglant l'affaire au fond, le Conseil d'Etat relève que, compte tenu du comportement de la requérante, les agissements de son supérieur hiérarchique à son égard n'ont pas « excédé les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique au point de pouvoir être qualifiés de harcèlement moral ». 

Le principe énoncé par le Conseil d’Etat spécifique au harcèlement moral semble à première vue nettement plus protecteur.

En effet, la faute de la victime ne constitue plus, aux termes de l’arrêt du Conseil d’Etat, une cause exonératoire de responsabilité.

Toutefois, la démarche probatoire adoptée par la Haute Assemblée nécessite de prendre en compte les agissements de la victime en amont de la qualification de harcèlement moral.

Cette position ne semble pas être favorable au requérant en considération des difficultés propres à l’administration de la preuve et de la qualification juridique du harcèlement moral dans la fonction publique (notamment, sur l’individualisation).

Or, les preuves « objectives » du comportement  fautif de l’agent sont établis par l’autorité hiérarchique (notes, sanctions, entretiens, …).

Il apparaît donc un certain déséquilibre dans la solution dégagée par la juridiction suprême s’agissant de l’administration de la preuve du harcèlement moral.

Si le nombre de condamnation pour harcèlement moral dans la fonction publique diminue, il n’est pas évident que cette situation reflète nécessairement une amélioration réelle des conditions de travail pour les agents …

Sur le cadre législatif en matière de harcèlement moral

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