Concurrence, marché public et association à but non lucratif : La jurisprudence de la CJUE


La loi nationale peut-elle confier des activités du secteur sanitaire aux associations de bénévoles sans passer par une procédure de passation des marchés publics?

La CJUE vient de répondre à la question. 

L’arrêt porte sur l’interprétation des règles du droit de l’Union Européenne en matière de marchés publics en cas d’attribution, sans mise en concurrence, d’un service de transport sanitaire à une association à but non lucratif.

 

CJUE, 28 janvier 2016, Consorzio Artigiano Servizio Taxi e Autonoleggio (CASTA) e.a c. Azienda sanitaria locale di Ciriè, chivasso e Ivrea (ASL TO4) et Regione Piemonte, aff. C-50/14

Dans le cadre du service national de santé, une agence sanitaire locale fournit un service public de transport aux personnes dialysées afin de leur assurer un accès matériel aux structures de soins, lorsqu’elles sont dans l’impossibilité d’y accéder. Elle décide d’attribuer ce service, par voie de convention, à plusieurs associations bénévoles. Cette décision est contestée devant le tribunal administratif régional du Piémont par un groupement d’artisans du secteur des transports en taxi et de location de voiture avec chauffeur, notamment au motif de la violation du droit de l’Union.

La fourniture de prestations et services socio-sanitaires assurés par un organisme à but non lucratif

Le juge national relève que le droit de l’Union réserve un régime particulier à l’attribution d’un service public lorsqu’elle concerne des prestations de nature socio-sanitaire, en particulier quand il est assumé par un organisme à but non lucratif. Toutefois, estimant nécessaire de s’assurer de l’existence de certaines limites afin d’éviter les distorsions de concurrence sur le marché avec les opérateurs économiques classiques, le juge administratif saisit la CJUE de trois questions préjudicielles.

La Cour devait tout d’abord se prononcer sur la question de savoir si les règles de l’Union doivent être interprétées en ce sens qu’elles s’opposent à une réglementation nationale qui permet aux autorités locales de confier la fourniture de services de transport sanitaire par voie d’attribution directe, en l’absence de toute forme de publicité, à des associations de bénévolat, lesquelles ne perçoivent, pour la fourniture de ces services, que le remboursement des frais effectivement exposés à cette fin.

  1. La législation nationale autorisant l’absence de mise en concurrence pour la poursuite des objectifs de solidarité et d’efficacité budgétaire n’est pas contraire au traité

Elle distingue, tout d’abord, entre les cas où la directive 2004/18 est applicable et ceux où, au contraire, s’appliquent les principes généraux de transparence et d’égalité de traitement découlant des articles 49 et 56 TFUE. Dans le premier cas, la directive s’oppose à une telle législation. Dans le cas où la directive ne serait pas applicable, exclure les entités non bénévoles d’une procédure d’attribution de marché public constitue une discrimination indirecte selon la nationalité et donc une entrave à la libre prestation des services, interdites selon les articles 49 et 56 TFUE. Cependant, cette violation peut être justifiée par des motifs d’intérêt général pris en considération par le droit de l’Union. Il doit ainsi être tenu compte du fait que la santé et la vie des personnes occupent le premier rang parmi les intérêts protégés par le droit de l’Union et qu’il appartient aux Etats membres de décider du niveau de protection qu’ils entendent assurer en la matière. Le recours à des associations de bénévolat participe de l’objectif de maintenir une accessibilité suffisante en matière de soins ainsi qu’à la maîtrise des coûts liés au service. Les dispositions du TFUE ne s’opposent donc pas à une telle législation, à la condition qu’elle contribue effectivement à une finalité sociale ainsi qu’à la poursuite des objectifs de solidarité et d’efficacité budgétaire.

  1. L’absence de toute publicité est conforme pour répondre à un objectif d’efficacité budgétaire

En cas de non-application de la directive et de la législation nationale permettant l’attribution directe de tels services à des associations de bénévolats, la question se posait de savoir si l’autorité administrative était tenue ou non de comparer préalablement les propositions de diverses associations, en vue d’éviter les surcoûts. La Cour, rappelant sa décision antérieure (CJUE, 11 décembre 2014, aff. C-113/13) dans laquelle elle a jugé que le droit de l’Union permettait à un Etat membre de confier la prestation d’un service de transport sanitaire à une association bénévole en l’absence de toute forme de publicité, en déduit que les autorités publiques ne sont pas tenues d’organiser une comparaison entre les organismes de bénévolat. Toutefois, elle souligne que la régularité du recours à une association doit effectivement contribuer à la réalisation de l’objectif d’efficacité budgétaire.

  1. Le législateur national est compétent pour encadrer l’activité bénévole

Enfin, la Cour, répondant à la question de savoir s’il appartenait au législateur national d’encadrer les activités commerciales que les associations de bénévolat seraient éventuellement autorisées à exercer, a rappelé qu’il appartient au législateur national de décider du point de savoir s’il est préférable d’encadrer l’activité bénévole en fixant une limite chiffrée ou en la caractérisant autrement. Ces limites doivent néanmoins assurer que d’éventuelles activités commerciales restent marginales et soutiennent la poursuite de l’activité bénévole de l’association concernée.

 

Cette jurisprudence doit être rapprochée d’une décision récente du Conseil d’Etat italien

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